En tant que chef d’entreprise, savez-vous si votre style de leadership comporte des angles morts ? Au travail, pour accomplir ce qui doit être fait en temps opportun et respecter les échéances établies, les employés et les dirigeants créent des politiques et des procédures qui peuvent être suivies de façon uniforme. Les façons dont nous faisons les choses deviennent des habitudes, et nous nous sentons à l’aise en suivant les routines quotidiennes, pensant que de telles routines sont les meilleures pratiques d’exploitation pour nous. Ces habitudes deviennent confortables comme une paire de chaussures usée. Mais il est important d’examiner l’efficacité de ces modèles de travail pour voir si des trous se sont formés dans nos chaussures usées avec le temps.
Dans le feu de l’action, on s’accroche à ses méthodes éprouvées, à ses réflexes professionnels. Pourtant, à force de répéter les mêmes gestes, un chef d’entreprise finit parfois par ne plus voir ce qui cloche. Les vieilles routines rassurent, mais elles piègent. Un œil neuf pourrait révéler que ces habitudes, autrefois efficaces, sont aujourd’hui devenues des boulets. Les politiques figées, les procédures alourdies, tout cela finit par freiner la performance et par étouffer la capacité à bien servir clients et partenaires. C’est là que les angles morts s’installent, discrets mais redoutables.
Demander l’avis de ses équipes, c’est une chose. Savoir accueillir des opinions contraires, c’en est une autre. Trop souvent, les dirigeants ne prêtent l’oreille qu’à ceux qui partagent leur vision. Cette uniformité de points de vue finit par scléroser l’entreprise. Prendre la mesure d’autres regards, c’est injecter un souffle nouveau dans des stratégies fatiguées. À défaut, la pensée de groupe s’installe, un phénomène mis en lumière par le psychologue Irving Janis dès 1972.
Lorsqu’une organisation bascule dans la pensée de groupe, elle cesse de se remettre en cause. Les alternatives disparaissent. On rationalise la routine, on s’enferme dans le confort des habitudes partagées. Plus personne ne remet en question ce qui a toujours été fait. Les dirigeants issus du même moule, les structures fermées aux idées extérieures, tout cela favorise l’aveuglement collectif. À force de ne plus réexaminer ses pratiques, l’entreprise se condamne à répéter les mêmes erreurs, à s’enliser dans ce que l’on pourrait appeler un angle mort institutionnalisé.
Comment éliminer les angles morts ?
Pour bousculer ces automatismes, il existe quelques leviers concrets à tester au quotidien :
- Proposez un échange de postes avec un collègue, ne serait-ce qu’une journée. Changer de perspective permet de repérer les lourdeurs et les absurdités qui passaient inaperçues. Peut-on simplifier certaines tâches ? Trouver des méthodes plus directes ? Ce simple décalage révèle souvent l’inattendu.
- Rencontrez des professionnels qui gèrent des structures proches de la vôtre, en taille ou en clientèle. Parler d’égal à égal, visiter d’autres environnements de travail, c’est s’ouvrir aux astuces et aux écueils que vous n’aviez pas envisagés. Ces échanges valent parfois tous les audits du monde.
- Faire appel à un consultant externe, c’est accepter de confronter ses certitudes. Un regard extérieur pointe sans complaisance ce qui, de l’intérieur, semblait aller de soi. Parfois, il suffit d’un œil neuf pour remettre sur pieds une organisation qui tournait en rond.
Une entreprise qui se contente de ses anciens modèles finit par perdre sa dynamique. Ignorer ces angles morts, c’est s’exposer à voir s’effriter ses résultats, sans même comprendre pourquoi.
Les conséquences des angles morts sur votre équipe
Quand un leader laisse des angles morts s’installer, les dégâts ne se limitent pas aux chiffres du bilan. L’atmosphère de l’équipe s’en ressent vite. Les collaborateurs peinent à se faire entendre, la frustration monte, le sentiment d’être mal compris s’installe. Un management aveugle sur ses propres limites finit par décourager et par démotiver même les profils les plus engagés.
La communication interne en prend un coup. Les échanges deviennent superficiels, les quiproquos s’accumulent, la productivité s’effrite. Un salarié qui sent que son avis ne compte jamais finit par décrocher. Loin de fédérer, un tel climat mine l’envie de s’investir.
On voit alors apparaître des tensions, parfois insidieuses. Les idées s’opposent, les conflits larvés se multiplient. Un projet qui aurait dû rassembler devient un champ de bataille d’egos et de rivalités. À force de négliger l’écoute, le dialogue se délite et les conflits professionnels surgissent là où la collaboration devrait primer.
Pour éviter ces dérives, il s’agit d’oser regarder ses angles morts en face, d’identifier ce qui biaise les décisions et parasite le style de management. Cette lucidité n’est jamais automatique, mais elle fait toute la différence.
Les signes révélateurs d’un style de leadership truffé d’angles morts
Certains indices ne trompent pas. Voici ce qui doit vous alerter sur votre façon de diriger :
- L’écoute active fait défaut. Si les idées et préoccupations de votre équipe vous échappent, le risque est grand de passer à côté de précieuses solutions. Un chef d’équipe réellement à l’écoute capte les signaux faibles et anticipe les obstacles.
- Les décisions tombent d’en haut, sans réelle concertation. Un management autoritaire, qui impose plus qu’il ne fédère, finit par briser la confiance et tarir la créativité collective.
- Certains collaborateurs sont systématiquement écartés des choix stratégiques. Ignorer des voix ou des groupes clés, c’est appauvrir la réflexion et ouvrir la porte à l’injustice, voire à la démobilisation silencieuse.
- Une distance émotionnelle ou physique s’installe entre le dirigeant et ses équipes. À force de s’isoler, le manager crée un fossé qui freine le dialogue et empêche la remontée des vrais problèmes.
- La peur de la contradiction règne. Si l’on craint d’être remis en cause, on s’enferme dans ses certitudes, au risque de s’aveugler sur les faiblesses de son projet.
Prendre conscience de ces signaux, c’est déjà amorcer un virage. Un leadership qui accepte la remise en question, qui accueille la diversité des points de vue, construit une dynamique collective nettement plus robuste. À défaut, le collectif s’étiole, la performance s’émousse, et les angles morts prospèrent en silence. Ouvrir les yeux, c’est offrir à son équipe la chance de retrouver l’élan et la cohésion qui font la différence sur la durée.

