En France, une décision de justice de 2012 a reconnu la discrimination fondée sur l’apparence physique, alors qu’aucune loi ne l’évoquait explicitement auparavant. Pourtant, la législation encadre aujourd’hui 26 critères distincts, souvent ignorés, dont certains restent méconnus du grand public.
Des salariés ont déjà obtenu gain de cause après avoir été écartés d’un recrutement pour des raisons de santé ou d’accent régional, révélant l’ampleur des situations concernées. La multiplication des recours met en lumière l’existence de dispositifs de signalement et de soutien accessibles à toute personne confrontée à une inégalité de traitement.
Comprendre la discrimination : de quoi parle-t-on exactement en France ?
La discrimination se définit sans ambiguïté par le droit : c’est le fait d’imposer à une personne, en raison d’un critère interdit par la loi, un traitement défavorable. Refouler un candidat à l’embauche pour son âge, sa religion ou son apparence physique n’a rien d’une simple préférence personnelle, la loi l’interdit formellement. Ce principe irrigue à la fois le code pénal et le code du travail, mais aussi la loi du 27 mai 2008 ou la loi Le Pors, qui encadrent la fonction publique.
On distingue deux mécanismes : la discrimination directe, qui frappe ouvertement, et la discrimination indirecte, beaucoup plus insidieuse. La première, c’est un refus ou une sanction affichée en raison d’un critère prohibé. La seconde, plus subtile, découle d’une règle en apparence neutre mais qui, appliquée, pénalise concrètement un groupe protégé. Exemple concret : un règlement imposant une condition physique sans réelle justification ne trompe pas les juges.
Personne n’est à l’abri : personnes physiques ou morales peuvent en être victimes, aussi bien dans la sphère professionnelle qu’en dehors. Et l’auteur d’un acte discriminatoire peut être un employeur, un salarié, un agent public, une entreprise, une association, ou même un particulier. Le cadre légal ne laisse aucune place à l’ambiguïté : la discrimination expose à des poursuites, qu’elles soient pénales ou civiles, en fonction de la gravité des faits.
Ce principe traverse la vie du droit du travail et les enjeux d’égalité sociale. Il vise à garantir un même traitement pour tous, et à sanctionner toute différence injustifiée. La diversité des motifs de discrimination reconnus par la loi mérite d’être détaillée, car elle structure tout le système de protection.
Les 26 critères de discrimination interdits par la loi : panorama et explications
La liste des motifs de discrimination interdits en France s’est élargie au fil des années, témoignant d’une société en mouvement et d’une volonté politique de renforcer l’égalité. Le code pénal, le code du travail et la loi du 27 mai 2008 recensent aujourd’hui vingt-six critères explicitement interdits, applicables à tous les aspects de la vie professionnelle et sociale.
Voici comment ils se répartissent :
- Origine, sexe, situation de famille, grossesse, apparence physique, vulnérabilité économique, nom de famille, lieu de résidence ou domiciliation bancaire.
- État de santé, perte d’autonomie, handicap, caractéristiques génétiques.
- Mœurs, orientation sexuelle, identité de genre, âge.
- Opinions politiques, activités syndicales ou mutualistes, convictions religieuses, langue parlée.
- Ethnie, nation, race prétendue, religion.
- Droit de grève, lanceur d’alerte, facilitateur de lanceur d’alerte.
Chaque critère répond à des réalités concrètes. Être exclu d’un processus de recrutement à cause de son accent, de sa grossesse, de son état de santé, d’une maladie chronique, d’une appartenance syndicale ou d’un handicap expose à des poursuites. La notion de motif interdit ne s’arrête pas à ce qui se voit : elle vise aussi les situations supposées, les vécus personnels, l’appartenance réelle ou perçue à un groupe. D’où la nécessité d’une vigilance constante dans la gestion des équipes, le recrutement ou l’organisation du travail.
Êtes-vous concerné ? Reconnaître les situations de discrimination dans la vie quotidienne
Dans le code du travail, la notion de discrimination s’immisce partout : de l’embauche à la gestion des carrières. Elle peut survenir lors d’un entretien, d’un refus de promotion ou dès la sélection des stagiaires. Toute personne écartée d’une offre d’emploi ou d’une formation pour un motif prohibé se retrouve victime de discrimination. Cette protection concerne autant le candidat que le salarié déjà en poste. L’employeur n’est pas le seul en cause : un agent public, un collègue ou tout autre acteur de la vie professionnelle peut aussi commettre ce délit.
Les formes de discrimination peuvent varier. Parfois, elles sont frontales : traitement différent assumé, refus net d’accès à un droit ou à une évolution. D’autres fois, la discrimination se glisse dans des règles en apparence neutres, qui, appliquées, désavantagent toujours les mêmes personnes. C’est alors une discrimination indirecte.
Quelques situations concrètes illustrent ces réalités :
- Un salarié privé d’une formation parce qu’il s’engage dans l’action syndicale.
- Une candidate rejetée au motif de sa grossesse.
- Un refus de logement fondé sur l’origine réelle ou supposée.
La victime comme le témoin disposent de plusieurs leviers : contacter le Défenseur des droits, solliciter l’inspection du travail, saisir la justice. Les syndicats et associations agréées ont aussi cette capacité d’agir. Toute mesure discriminatoire, affichée ou masquée, peut donner lieu à une compensation pour le préjudice subi, et parfois à des sanctions pénales contre l’auteur.
Quels recours et ressources pour faire valoir ses droits face à la discrimination ?
Quand une situation de discrimination survient, la victime comme le témoin peuvent agir à plusieurs niveaux. La première étape consiste à saisir le Défenseur des droits, autorité indépendante qui instruit les dossiers, propose une médiation et peut recommander des mesures correctives, voire accompagner une action judiciaire. Cette démarche, gratuite, protège la personne qui signale les faits.
Le recours collectif prend la forme de l’action de groupe, portée par une organisation syndicale ou une association agréée. Ce type de procédure vise à mettre fin à des pratiques discriminatoires et à obtenir réparation pour toutes les personnes concernées.
Pour apporter la preuve d’une discrimination, plusieurs outils existent : testing, témoignages, documents, échanges écrits. Le testing, qui consiste à soumettre des candidatures similaires en ne variant qu’un critère, se révèle particulièrement efficace pour mettre en évidence un traitement différencié.
La médiation ou la transaction peuvent aussi permettre de résoudre un différend à l’amiable, sous le contrôle éventuel du procureur. Ces solutions n’enlèvent rien à la possibilité d’engager une procédure judiciaire par la suite.
Dans cette lutte, chaque signalement compte. Repérer, documenter, agir : c’est ainsi que le droit gagne du terrain sur l’arbitraire. Et si demain, la vigilance collective imposait un réflexe d’égalité dans chaque décision ?